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1 août 2006

Pour une France fédérale

R_gions_administrativesEn 2003 il y a trois ans, le Premier ministre de l’époque  Jean-Pierre Raffarin a essayé de faire digérer aux citoyens de ce pays sa proposition de loi constitutionnelle dite de décentralisation. Depuis, cette loi est en application avec, notamment, le transfert de certaines compétences de l'Etat en direction des collectivités territoriales et en particulier aux départements. Trois ans après il convient de s’interroger sur la nature du système politique et administratif de la France républicaine. Confronté à la problématique de la mondialisation et cernée de toutes parts par un environnement politique et social néfaste, notre pays n’est manifestement plus gouverné dans l’intérêt de son peuple. On se gave pourtant du mot de démocratie, on flatte les Français qui sont aussi des électeurs, mais il y a bien longtemps que le pouvoir a été confisqué par des élites formées pour diriger des institutions qui, manifestement, sont  en contradiction totale avec la marche du progrès et du temps.

Le fédéralisme est une réelle alternative au semblant de démocratie que nous avons en France. La démocratie est le modèle sur lequel on ne peut revenir. Il est juste que les membres d’une communauté prennent ensemble les décisions essentielles qui conditionnent leur vie et leur avenir. La démocratie c'est le « gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple », or, aujourd’hui en France, les citoyens sont dirigés par des hommes et des femmes qui pensent plutôt à une démocratie des oligarches, c’est à dire non pas « du peuple pour le peuple », mais du peuple vers un groupe de puissants. Un seul exemple, les élus de «provinces » ( députés, sénateurs, maires et conseillers généraux ) sont, et c’est vérifiables, de véritables dévoreurs de mandats et sont parfois de véritables seigneurs locaux. C’est dans le sens de modifier cet état de chose, que le Parti Fédéraliste à fait sa dans son programme la proposition de limiter à un et dans le temps, les mandats électifs.

Pour réformer la France, il faut revenir en arrière et à la fin du régime monarchique. La philosophie révolutionnaire et républicaine des années 1790 s’ est donc opposée radicalement à la structure organique de l’ancien régime qui sous un aspect unitaire conservait néanmoins une certaine autonomie aux provinces. En 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen décide que, « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ; nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément » ( article III ) La République est « une et indivisible ». Désormais la nation se définit comme une somme d’individus égaux. L’individualisme ignore toute personne collective, communautés ou terroir. D’un seul coup de plume, l’existence des peuples et des entités locales a disparue et à sa place se créer une masse difforme dans laquelle l’individu est désormais un rouage d’ensemble.

Les nouveaux dirigeants français choisissent de remodeler la France par la mise en place de départements découpés selon des critères géopolitiques qui n’ont pas tenu compte de la réalité historique ni d’ailleurs de la géographie de l’hexagone. Dans le même temps, c’est à un véritable génocide des langues, dialectes et traditions locales que se livrent les tenants de la république unitaire. « L’anéantissement des patois importe à l’expansion des Lumières, à l’exécution facile des lois, au bonheur national et à la tranquillité politique », écrit le terrible abbé Grégoire, chantre s’il en est d’un jacobinisme exacerbé.

La période révolutionnaire n’aura été que le prélude à une remodélisation de la France à la mode jacobine. la République va hardiment travailler à la disparition des langues parlées en France. Et il suffit de revenir quelques mois en arrière pour s’apercevoir que cet aspect de la «république à la française » est, hélas, toujours présent dans les esprits de nos élites. La décision en 2004 du Conseil d’Etat annulant l’intégration des écoles Diwan dans le secteur public en est la preuve. L’apprentissage des langues étrangères, nécessaire et profitable est encouragé , mais le Conseil d’Etat a jugé « que l’utilisation d’une langue régionale comme langue principale, aussi bien dans l’enseignement par immersion que dans la vie des écoles, collèges et lycées contrevient à la Constitution ».

Selon la conception jacobine de l’Etat, la loi doit être unique sur tout le territoire, ce qui interdit d’entrée l’existence de pouvoirs normatifs locaux,jugés dangereux pour l’unité du pays. Jusqu’au début de la V° République le pouvoir est concentré à l’extrême, toutes les décisions étant prises par le centre. Les communes sont entièrement sous la tutelle de l’Etat. les départements, dirigés par les préfets nommés par Paris, ne sont que des circonscriptions de l’administration de l’Etat. Et les élus qui sièges dans les assemblées parisiennes, inféodés aux partis politiques nationaux, obéissants à des intérêts particuliers, souvent corrompus ne représentent le peuple que de très loin. Ainsi ce sont les sénateurs eux-mêmes qui entraîneront l’échec du premier projet de décentralisation initié par le général De Gaulle en 1969.

La centralisation telle qu’elle s’exerçait jusque dans le milieu des années 60 n’est pas un mode efficace de l’exercice du pouvoir. Au lieu de prendre toutes les décisions au niveau central – décider depuis Paris d’agrandir le préau d’une école de Besançon ou de Vic-Fezensac-  il est plus efficace et beaucoup moins onéreux de déléguer à des services locaux dits « déconcentrés » la gestion effective de l’administration est la mise en œuvre des politiques, sans remise en cause de l’autorité du pouvoir central. C’est la déconcentration qui ne change en rien le fond du problème , puisque les décideurs locaux ( par exemple le préfet ) sont soumis au pouvoir hiérarchique de l’autorité centrale.

La décentralisation va plus loin, elle, puisqu’elle consiste à confier certaines attributions administratives à des autorités locales élues par les citoyens. On peut en citer par exemple la loi d’émancipation communale de 1884, et les deux grandes lois de délocalisation votées sous la présidence de François Mitterrand élargissant les compétences des communes, départements et régions, collectivités qui demeurent cependant soumises au contrôle des autorités de l’Etat : contrôle de légalité, contrôle budgétaire et financier. Entre 1983 et 1993, les recettes et les dépenses propres de ces collectivités territoriales vont à peu près doubler. Mais si le coût de ces structures pèse davantage sur les citoyens, il est difficile de dire que les peuples sont redevenus les maîtres politiques de leurs territoires.

La décision du Conseil constitutionnel du 9 mai 1991 sur la loi dotant la Corse d’un nouveau statut spécifique est, à cet égard, emblématique. L’affirmation par l’article premier de la loi, de l’existence d’un « peuple Corse, composante du peuple Français » a été déclarée contraire à la Constitution , en tant qu’atteinte à l’unité nationale. La reconnaissance du peuple corse était pourtant une revendication principale des autonomistes corses. Cette reconnaissance de peuples différents formant un ensemble nommé France semble pourtant comme une évidence.

Ainsi dès que des communautés ou organes locaux manifestent des choix politiques réels ou dissidents, le pouvoir central s’y oppose d’une main de fer. La décentralisation n’est donc qu’un leurre destiné a masquer l’emprise toujours plus grande d’un Etat despotique qui refuse tout pouvoir réel au peuple et va jusqu’à nier l’existence des peuples. Pour rendre à nos peuples un pouvoir authentique et la liberté, il n’y a pas de demi-mesure possible. Il faut en finir avec le jacobinisme, le mythe de la France une et indivisible. La France doit redevenir une fédération de régions autonomes. La décentralisation et le fédéralisme s’oppose radicalement car ils relèvent de positions diamétralement opposées de la liberté politique. La notion de décentralisation relève d’un Etat-machine  déifié qui fractionne sa structure pour mieux fonctionner. La notion de fédéralisme rappelle au contraire que l’Etat est un regroupement de communautés naturelles qui acceptent d’abandonner une partie de leurs compétences au profit du regroupement quelles constituent.

Autant dire que le fédéralisme s’adapte très bien avec le principe de subsidiarité selon lequel une autorité ne doit s’exercer que pour pallier l’insuffisance des autorités inférieures. Autrement dit, tant qu’une commune ou une province est en mesure d’assurer elle même une tâche, l’Etat central n’a pas à intervenir, ni dans sa décision, ni dans sa mise en œuvre. De même, l’objet de toute intervention en matière sociale et d’aider les membres du corps social  et non pas de se substituer à eux ni de confisquer leur pouvoir.

Deux idées maîtresses sont à dégager de ce principe :

1) l’Etat ne doit pas étrangler les communautés régionales en se substituant à elle.
2) L’Etat se doit de protéger les communautés régionales dans les domaines où elle ne peuvent intervenir. Or, c’est exactement l’inverse qui se produit aujourd’hui. L’Etat n’intervient pas dans les domaines où il est seul compétent. Mais il grossit monstrueusement dans les domaines où il est loin d’être indispensable.

On peut citer aujourd’hui Proudhon ( 1809-1865 ) fédéraliste et anarchiste, dont les propos se révèlent aujourd’hui prophétiques : « il est clair que, lancé sur une telle voie, l’Etat s’emparera des banques, des canaux, des chemins de fer, des mines et d’une foule de choses encore. Son impôt progressif, son abolition de l’hérédité, lui permettront de tout absorber ». « L’Etat soi-disant mandataire ou serviteur du peuple par procuration générale et illimitée des électeurs, à peine existe t-il, qu’il se crée à lui même un intérêt à part, souvent contraire à l’intérêt du peuple. Agissant dans cet intérêt, il fait des fonctionnaires publics ses propres créatures, d’où résulte le népotisme, la corruption et peu à peu une gent officielle ennemie du travail autant de la liberté ».

Il n’est pas étonnant que Proudhon, par ailleurs fort critique à l’égard du libre-échange dénonce aussi clairement l’interventionnisme de l’Etat. En effet le fédéralisme implique un ordre véritable, c’est à dire un ordre juste permettant des libertés réelles.  Le fédéralisme s’oppose donc aussi bien au désordre libéral qu’au totalitarisme étatique. On peut cependant reprocher à Proudhon l’utopisme de son collectivisme municipal. Il ne peut y avoir de liberté local que dans un espace protégé. De même, on ne peut prétendre lutter efficacement contre le libéralisme, sans rendre aux communautés régionales leurs souverainetés  ou du moins leur autonomies politiques et économiques.

Au lieu de nous imposer ses écoles sectaires et inefficaces, au lieu d’encourager la dépendance médicale et de subventionner l’agriculture exportatrice, les grands ports internationaux ou le trafic aérien, exigeons de l’Etat qu’il protège l’économie, qu’il empêche les délocalisations et la fuite des capitaux, qu’il favorise les marchés locaux, l’artisanat et les petites entreprises, qu’il facilite l’emploi et qu’il taxe plutôt les machines. Hélas, non la priorité reste au trafic international. Quand la population de la vallée de Chamonix s’est opposée au retour des poids lourds dans le tunnel du Mont-Blanc, la justice leur a rappelée froidement qu’elle n’a pas voix au chapitre. Le référendum organisé en août 2001 par trois maires locaux est, bien entendu déclaré illégal par le tribunal administratif de Grenoble.

Le fédéralisme, une rupture possible est nécessaire. Nous devons élaborer un véritable projet fédéraliste. Mais le fédéralisme ne relève pas du simple « folklore », ni du suivisme décentralisateur.

De même, il faut aujourd’hui expliquer aux altermondialistes, que la relocalisation qu’ils appellent de leurs vœux,  n’est possible que par une restauration du politique et par la reconnaissance des autonomies locales. En quelque sorte, il faut dégager la République de son égarement jacobin. Anti-jacobin, anti-mondialiste, est donc radicalement opposé au système que nous combattons, le fédéralisme n’en est pas moins qu’une idée séduisante pour nos concitoyens. A ceux qui nous accusent d’être utopiques et inconséquents , rappelons que nous combattons au contraire pour une vrais démocratie au service du peuple, et pour de vrais libertés, économiques et politiques.

Le fédéralisme représente en outre, un modèle crédible, susceptible de s’inspirer de régimes politiques existants : Suisse, Etats-Unis, Belgique, Espagne…Ainsi, quand un contradicteur prétend que le fédéralisme est impossible, il suffit de lui présenter tel ou tel aspect de l’expérience de ces pays. L’exemple de la Suisse est tout à fait édifiant.

La Suisse est depuis 1848 un Etat fédéral, divisé en 26 cantons. Dans certains cantons, on parle français, dans d’autres allemand, il en est un – le Tessin – où l’on parle italien et dans un autre- les Grisons – où l’on parle italien, allemand et romanche. La souveraineté des cantons n’est pas limitée par la Constitution fédérale. Ils disposent de leur propre Constitution, de leur Parlement, de leur gouvernement, de leur administration, de leurs justice et de leurs propres règles, notamment en matière de citoyenneté.

Les cantons ont également souveraineté dans les domaines suivants : police, culture, éducation, santé public, route et assistance sociale. Leur parlement fixent les impôts, vote les budgets, approuve les comptes, décide des emprunts et sous réserve du référendum financier, vote les dépenses. Les cantons sont également souverains en ce qui concernent le statut des communes. Les communes jouent un rôle important dans l’organisation politique. En fonction de l’histoire de chaque cantons et de son influence, les communes jouissent de statuts différenciés. Les communes dépendent uniquement du droit cantonal, le canton jouant le rôle de charnière entre la Confédération et elles.

Le pouvoir fédéral quant à lui dispose d’une compétence exclusive dans les domaines de la défense nationale, des douanes, des chemins de fer, des postes, des télécommunications, de la monnaie et des affaires étrangères. L’Etat fédéral n’exerce sur les cantons aucun pouvoir de création, de suppression ou de restructuration, mais joue, au contraire, le garant de leur souveraineté. Surtout, les cantons, comme la Confédération d’ailleurs, associent des éléments de démocratie directe à des éléments de démocratie représentative. En matière financière, par exemple, le référendum budgétaire et le référendum financier, prévus dans quelques communes, sont les instruments du peuple. Grâce à eux la population participe aux décisions importantes, comme la construction de routes, d’écoles, la création d’une université  cantonale…dans 90 % des communes, les citoyens se réunissent au moins une fois par an dans une assemblée où chacun se prononcent sur des questions importantes. Une liberté politique qui peut laisser les Français bien rêveurs…

L’Allemagne a renoué avec sa forte tradition historique d’autonomie locale en 1945, sous la pression des vainqueurs qui espéraient ainsi l’affaiblir. « la structure politico-administrative de l’Allemagne contemporaine, est profondément décentralisée. Pratiquement absents à l’échelon territorial, les ministères fédéraux n’exercent qu’un nombre limité de compétences d’ordre régaliens. L’essentiel des fonctions sont gérées par des Lander qui, contrairement à ce que l’on pense souvent en France, ne sont aucunement de simples échelons administratifs intermédiaires, mais de véritables Etats dont la légitimité et les ressources institutionnelles sont beaucoup plus importantes que celles des régions.

La Constitution espagnole de 1978 à opté pour une solution fédéraliste, « l’Etat des autonomies ». L’ensemble du territoire espagnol est divisé en 17 « communautés autonomes », pourvues de compétences législatives et exécutives, pour la plupart partagées avec l’Etat central. Un apport important du système espagnol est la liberté qui a été laissée à chaque communauté autonome de choisir le degré d’autonomie dont elles voulaient bénéficier . La Catalogne qui a votée cette année pour une nouvelle constitution régionale renforçant son autonomie, le Pays Basque, la Galice et l ‘Andalousie ont plébiscité par voie de référendum des statuts de pleine autonomie.

On pourrait imaginer un système semblable en France pour passer de l’Etat jacobin au fédéralisme, laissant libre choix aux provinces de leur degré d’autonomie politique. Ainsi les nations bretonnes, flamandes, alsaciennes, franc-comtoises, corses, catalanes et basques pourraient décider de recouvrir davantage de compétence que l’Auvergne ou la Bourgogne, par exemple.

Le fédéralisme nous semble être le meilleur système politique pour garantir l’avenir des français, tout comme, d’ailleurs, le fédéralisme semble également indispensable à l’Europe. Vastes chantiers en perspective.

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